
L’appel du féminisme de ces dernières années fait vaciller nos schémas habituels, jusque dans nos draps. A tel point qu’avoir envie d’une fessée au cours d’un rapport peut susciter nombre de questionnements : « croira-t-il que cette fessée m’imposera de faire la vaisselle qui traîne ? » « Est-ce que cette fessée entretient le patriarcat ? ». Qu’on se tranquillise, il semblerait que le questionnement soit lui aussi inhérent à l’humain.
Or, ces questionnements ne devraient sûrement pas saboter les rapports et l’amour qui en découle. S’aimer, c’est oublier parfois de se questionner. Il apparait alors difficile d’accepter que s’unir par la chair, ce n’est pas forcément lâcher prise et donner libre cours à ses pulsions, étant donné que nous avons un bagage : celui de notre éducation et des codes de notre société. Dans ces codes se trouve, entre autres, le fameux patriarcat. C’est ce fameux patriarcat qui guide nos rapports vers l’inéluctable point d’arrivée : l’éjaculation. Tout tend à nous mener vers cet objectif. C’est d’ailleurs pour cela que l’on a nommé tout le reste par « préliminaires ».
Ces plaisirs nommés « préliminaires » ne sont-ils vraiment qu’une introduction ? Il serait terrible de l’admettre ! Un cunnilingus n’est-il qu’une préface ? Dans les rapports hétérosexuels, il apparait assez fréquent de tomber sur l’homme, pour être polie, « je-vide-mes-couilles ». Alors oui, dans ces cas-là, si l’on n’a même pas eu droit à un cunnilingus en guise d’introduction dans tous les sens du terme, ou même à un pelotage mammaire en bonne et due forme (qui, soit dit en passant, est parfois salutaire pour prévenir le cancer du sein), on peut être amenée à s’interroger puis à refuser ce type de carcan patriarcal. On oublie toutefois de rappeler qu’il existe aussi des hommes « matriarcaux » ! Celui qui se laisse totalement mener par la femme, celui qui voit l’orgasme féminin comme l’apogée du rapport et qui n’envisage sa fin que de cette manière. Sa position préférée : l’Andromaque. Est-ce « la bonne façon de faire » ? Si l’émancipation des femmes reprend de l’ampleur ces derniers temps, faut-il que cette rage contamine tous nos rapports humains ? Il est assez effrayant de constater que nos interrogations « pour bien faire » puissent prendre le dessus sur la confiance en l’autre.
Tout l’exercice de l’amour est pourtant de ne pas en être un. Donner trop de confiance ou pas assez en l’autre ? Pourquoi ne pas simplement se dire « advienne que pourra » et accepter de pouvoir se tromper. L’autre aussi s’interroge. L’autre aussi se demande si le scénario est correct. L’homme, cet être incontestablement aussi vulnérable que la femme, que l’enfant, que l’humain tout entier, se demande s’il fait bien les choses. Tous ne se questionnent pas sur le patriarcat, mais tous, c’est certain, se questionnent. Cet exercice de l’amour, au-delà du rapport sexuel, donne lieu à une remise en question de tout un être. Quoi de plus dangereux psychiquement que de se mettre à nu ? N’est-il pas courageux d’admettre que cette fessée, on peut en avoir envie, sans pour autant vouloir tomber dans un freudisme archaïque et dépassé ? Si certaines ne le souhaitent pas, il n’est pas nécessaire d’y poser des mots aussi lourds que le patriarcat ou la domination. On peut simplement aussi parler de désirs variables, de désirs personnels. Et pour évacuer tous les flous qui pourraient peser sur des mots mal pesés, la communication entre ces deux êtres est là pour en découdre.
Que les libertés individuelles se rassurent enfin ! La pornographie féministe se développe, et elle n’est pas timide. On peut aisément savourer des cunnilingus à la pelle en visionnant les films d’Erika Lust, où l’humain dans toute sa splendeur peut prendre son pied sans avoir besoin de gros nibards et d’éjac’ faciale. Quoique. On aimait ça aussi les éjac’ faciales et les gros nibards. Mince. Voilà le défi de notre sexualité en 2022 : cesser de lire des articles sur la sexualité, et faire l’amour sans contre-indication aucune.